Avec près de 150 000 entreprises créées chaque année dans le monde, l’entrepreneuriat semble être devenu plus accessible : les technologies open source et les solutions cloud de stockage réduisent le coût de développement d’un logiciel, le télétravail gagne en popularité et élimine les coûts liés aux bureaux…
Toutefois, le financement reste le principal frein au développement d’une startup. Selon une étude menée en 2019 auprès de 590 startups européennes, 32 % d’entre elles trouvent l’accès au financement difficile. L’auto-financement représente la principale source pour 66 % des startups, suivi par les business angels et les fonds de capital-risque. Les banques sont absentes de ce podium, car souvent réticentes à accorder des prêts aux startups en raison du risque de crédit élevé.
Aucune startup ne déroge à la règle : des capitaux élevés sont nécessaires pour développer des solutions et produits innovants. Bien souvent, il faut compter plusieurs mois, voire années, de R&D avant de parvenir à un produit commercialisable. Ainsi, pendant ses premières années d’existence, une startup va dépenser beaucoup d’argent pour payer ses locaux, recruter des employés qualifiés, développer des prototypes… sans pour autant générer de chiffre d’affaires.
À leur création, les startups sont souvent épaulées par des organismes et structures favorisant le financement de jeunes entrepreneurs, sous l’impulsion d’initiatives gouvernementales. Mais entre deux ans et trois ans d’existence, de nouveaux défis apparaissent. Les startups font face à de sérieux problèmes
de financement alors même qu’elles en ont besoin pour finaliser leur produit ou accélérer leur développement commercial. En effet, même si elle génère du chiffre d’affaires, une startup a besoin de fonds pour financer sa forte croissance. Ce n’est que quelques années plus tard qu’elle pourra espérer atteindre la rentabilité et financer son propre développement.
Pour répondre à ce besoin, beaucoup de startup se tournent vers des fonds de capital-risque ou des business angels. Ces acteurs sont en effet habitués à la prise de risque et conscients de la particularité des startups, ce qui n’est pas le cas des banques traditionnelles.
La maîtrise du risque de crédit est au cœur du métier de banquier. La banque doit s’assurer que tout emprunteur, particulier ou entreprise, sera en mesure de rembourser le prêt aux échéances fixées par le contrat. Cette analyse du risque de crédit s’appuie essentiellement sur des données financières : dans le cas d’une entreprise, la banque va donc étudier le chiffre d’affaires, le niveau d’endettement, les flux de trésorerie… Malheureusement, cette approche ne convient pas aux startups.
Comme vu précédemment, une startup a besoin de beaucoup de capitaux pour se développer et mettra du temps avant de générer un chiffre d’affaires. Une startup en phase de démarrage aura très peu de données financières à présenter à une banque. De plus, au stade de R&D, il n’est pas toujours évident de savoir si la startup parviendra à trouver des clients ou si son produit sera adapté au marché. En effet, on estime que 90 % des startups font faillite et seules 30 % d’entre elles parviennent à atteindre la rentabilité.
En plus de ce risque élevé, les startups manquent souvent de garanties à fournir aux banques. Beaucoup d’entrepreneurs sont de jeunes diplômés ou jeunes actifs qui ne peuvent pas apporter de garanties personnelles. Les startups n’ont pas forcément d’actifs matériels à proposer comme garanties puisque, à l’ère du digital, beaucoup de produits sont « virtuels » : plateforme SaaS, application mobile…
Face à cette réticence des banques privées, les banques publiques ont mis en place de nombreux programmes d’aide au financement, renforcés pendant la crise de covid-19. En France, le gouvernement a annoncé en mars 2020 une enveloppe de 4 milliards d’euros tandis que le gouvernement britannique a décidé d’abonder 250 millions de livres dans un fonds de co-investissement avec des fonds privés de capital-risque. Les gouvernements souhaiteraient désormais que les banques privées prennent le relais en distribuant plus de prêts.
Côté startups, les prêts permettent de limiter la dilution des entrepreneurs. Ces derniers gardent ainsi le contrôle de leur gestion. Les prêts peuvent également servir de bridge entre deux levées et aider à réaliser une nouvelle levée avec une meilleure valorisation. Il existe également la venture debt, ou dette d’amorçage-investissement, à mi-chemin entre la dette et la levée d’equity.
Il peut être intéressant pour les banques de passer outre le risque de crédit et d’ajouter des startups à fort potentiel à leur portefeuille de clients. En effet, les startups sont un marché d’avenir et représentent un fort potentiel sur le long terme. Elles vont devenir des PME ou ETI importantes avec de multiples besoins bancaires : tenue des comptes, développement international, export… En leur accordant un prêt bancaire, les banques peuvent ainsi poser les fondations d’une collaboration fructueuse.
Outre le financement, les banques peuvent endosser un rôle clé dans le développement d’une startup en offrant des services de conseil, comme l’ont fait HSBC et Barclays pendant la crise de covid-19 par exemple. Elles peuvent également apporter des perspectives de croissance en reliant leurs clients professionnels à leur réseau de partenaires et de fournisseurs. Il paraît donc essentiel pour les banques d’améliorer leurs relations avec les startups.
Le frein principal à cette collaboration semble être le risque de crédit élevé des startups. L’enjeu consiste donc à mieux l’évaluer, en prenant en compte les particularités de ces jeunes entreprises innovantes. Nous l’avons déjà dit : se fonder uniquement sur des données financières ne permet pas d’évaluer pertinemment le potentiel de croissance d’une startup. Ces données sont insuffisantes, parfois inexistantes au début du projet, mais surtout elles peuvent donner une image erronée de la société.
WeWork est un exemple très parlant de l’importance de prendre en compte les données non financières. Après plusieurs années d’activité et malgré un chiffre d’affaires de plus d’un milliard de dollars en 2018, ce mastodonte du coworking n’est toujours pas rentable en 2019. La société décide de faire son entrée en bourse avec une valorisation à 47 Mds$. Or les investisseurs déchantent une fois les dysfonctionnements internes révélés et la valorisation chute à 8 Mds$ : l’entrée en bourse tombe à l’eau et la société enchaîne les déboires.
Afin d’aider les banques commerciales et fonds de dette à mieux évaluer le risque de crédit d’une startup, ScaleX Invest intègre une trentaine de critères à la fois financiers et extra-financiers dans sa méthodologie de scoring. Nous étudions la gouvernance de la startup, notamment la composition de l’équipe dirigeante, son implication et sa complémentarité. En outre, nous évaluons le modèle économique, l’innovation apportée par le produit, ou encore la dynamique du marché ciblé. Ces critères, affinés et pondérés grâce à nos études de backtesting, nous permettent d’estimer avec le plus de précision possible le potentiel d’une startup.
Le backtesting consiste en un suivi de la survie et/ ou du succès des startups de notre base (plus de 3,500) un, deux et trois ans après leur notation. Ce processus nous a également permis de créer un modèle prédictif fiable du taux de survie selon le secteur et le stade de maturité d'une startup. Ces analyses permettent donc aux acteurs bancaires d'avoir une vision plus complète du profil de risque de startups innovantes.
Plutôt que de voir le risque de crédit comme un obstacle insurmontable, les banques devraient apprendre à mieux l’évaluer afin de ne pas passer à côté des pépites de l’innovation. La connaissance est le premier pas vers la maîtrise d’un risque : les banques et fonds de dette ont donc tout intérêt à améliorer leur connaissance des sujets liés aux startups. Grâce à des analyses approfondies, ces acteurs de la dette pourront ainsi prendre des décisions de prêt en connaissance de cause et contribuer au développement des jeunes entreprises motrices de l’économie de demain.